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Antimoine

L’Antimoine est un métalloïde classé dans la liste des perturbateurs endocriniens les plus dangereux que nous côtoyons au quotidien. Quels sont ses réels effets sur la santé ? Quelles sont les meilleures mesures de prévention ? Quels sont les signes de l’intoxication ? À découvrir dans ce billet les dangers liés à l’exposition fréquente à ce métalloïde selon diverses publications scientifiques. Les informations qu’il contient ne remplacent pas les avis des spécialistes en la matière.

Antimoine

D’innombrables études l’ont confirmé : l’antimoine est un perturbateur endocrinien capable d’imiter certaines fonctions de l’organisme et d’apporter des modifications physiologiques qui peuvent lui être fatales. Ce métalloïde entre pourtant dans la conception de certains produits que nous utilisons couramment au quotidien, pour ne citer que la fameuse bouteille en PET qui contient nos boissons hygiéniques et minérales. La production de ces contenants en plastique fait intervenir un catalyseur toxique, qui n’est autre que le trioxyde d’antimoine. Ce dossier parle davantage de ce composé et de tous ses effets néfastes sur l’organisme, car perturber et ou altérer la fonction du système endocrine n’est pas son seul méfait.

Présentation de l’antimoine

Propriétés physico-chimiques

L’antimoine se trouve dans la liste des 15 éléments pnictogènes dans le tableau périodique aux côtés de l’arsenic, du phosphore, du bismuth et de l’azote. C’est un métalloïde, autrement dit il revêt à la fois les propriétés d’un véritable métal et également celles d’un non-métal.

Antimoine, un métalloïde dangereux capable de perturber la fonction du système endocrine
Antimoine, un métalloïde dangereux capable de perturber la fonction du système endocrine

Cet élément chimique est connu sous l’abréviation Sb qui est un diminutif du mot Stibi, un terme servant à désigner les corps minéraux antimoniés, dont fait partie la stibine. À titre d’information, cette dernière est un trisulfure d’antimoine, un métal stable qui a servi autrefois de remède contre les infections occulaires. D’ailleurs, sa poudre de couleur noire profonde était dans les temps anciens un allié de beauté pour les femmes – le khôl– qui leur permet de souligner à la manière d’un eye liner le contour de leurs yeux.

Son numéro atomique est le 51. Ce métalloïde possède 37 isotopes, dont les masses atomiques vont de 103 à 139. Seulement deux d’entre eux sont présents dans la nature et connus pour leur stabilité, à savoir les isotopes 121 Sb et 123 Sb. Les isotopes 113 à 134, de leurs côtés, sont radioactifs. Quant aux restes, ils sont encore mal connus et ont fait l’objet de très peu d’études scientifiques. Ce semi-métal est rare, 10 fois plus rare que l’arsenic et on le retrouve surtout mélangé à d’autres métaux comme l’argent, le cuivre et le plomb par exemple, ou bien sous un format de sulfures.

L’antimoine natif, présenté sous forme de corps simple, peut être gris, noire ou jaune particulièrement instables à la lumière et réagissent à l’oxygène. Ils ont un caractère explosif, c’est pourquoi ils interviennent dans la fabrication de munitions.

Exposition à l’antimoine

Nous sommes fortement exposés à l’antimoine plus que nous le pensions. Ce métalloïde, sous sa forme native, intervient en fait dans la fabrication de nombreux produits que nous utilisons au quotidien. Il est souvent mélangé à d’autres matériaux pour produire de la peinture, des verres, des tuyauteries, des textiles, des plastiques, des batteries, des semi-conducteurs de courant par exemple. Plus de 6 siècles avant notre ère, cet élément chimique considéré aujourd’hui comme dangereux pour l’humanité fut un remède de premier recours pour traiter des maladies parasitaires telles que la bilharziose, la filiariose et la leishmaniose viscérale.

L’air que nous respirons est aussi contaminé d’antimoine, à environ 170 nanogramme par mètre cube. Les feux de brousse et de forêt, les gisements de minerais, les éruptions volcaniques sont responsables de la libération de ce métalloïde et de ses composés naturellement présents dans la croûte terrestre.

Des quantités non négligeables de ce composé chimique se trouvent aussi dans l’eau et les aliments que nous consommons. D’après certaines publications scientifiques, ces derniers nous apportent environ chaque jour près de 5 μg de ce semi-métal. Les niveaux de toxicité sont plus élevés chez les travailleurs qui y sont exposés journellement. (1)

Que révèlent les diverses études toxicologiques de l’antimoine ?

Ce métalloïde perturbe-t-il la fonction endocrine ?

D’après Thomas Zoeller, professeur de biologie à l’Université de Massachusetts, on comptabilise actuellement près de 800 à 1 000 produits chimiques à caractère perturbateur du système endocrine sur le marché et l’antimoine en fait partie. Les contrôles réalisés par les scientifiques ont permis d’identifier les principales sources de ces composés dangereux. Figurent dans la liste, les eaux minérales en bouteille, les produits cosmétiques et les parfums, les aliments issus d’une agriculture traditionnelle, les aliments en conserve, les produits de mer, les viandes et les produits laitiers, les produits de nettoyage ainsi que les ustensiles de cuisine.

L'antimoine entre dans la fabrication des bouteilles d'eaux minérales
L’antimoine entre dans la fabrication des bouteilles d’eaux minérales

Pas mal de revues scientifiques ont révélé les problèmes de santé associés à l’exposition fréquente à ce perturbateur endocrinien. En 2007, des chercheurs suisses ont reconnu et prouvé les risques liés à l’utilisation des emballages en plastique qui utilisent du trioxyde d’antimoine comme catalyseur lors du processus de polymérisation. Lorsque ces emballages sont chauffés au micro-ondes, disent-ils, libèrent de l’antimoine qui peuvent migrer jusqu’aux aliments qu’ils contiennent et occasionner de graves perturbations au niveau de l’organisme (2). Ce perturbateur endocrinien, selon un rapport de l’OMS, en interférant avec les hormones de notre corps entraine de graves problèmes de santé, comme le cancer de la prostate chez les hommes, troubles de développement du système nerveux et de la croissance des organes sexuels chez les enfants, déséquilibres hormonaux et cancer de la thyroïde. (3)

A-t-il des effets sur le système cardiovasculaire ?

C’est prouvé scientifiquement, l’exposition à l’antimoine au quotidien entraine des troubles cardiovasculaires aussi bien chez l’Homme que chez les autres mammifères. L’expérience a été menée sur des travailleurs de ce semi-métal auprès d’une industrie où le risque de contamination est particulièrement élevé. Selon les résultats des contrôles, ces individus absorbent par inhalation environ une dose de 2,15 mg de trisulfure d’antimoine par mois. Tout au long de l’expérience qui a duré 8 à 24 mois, leurs états de santé ont été suivi de près et il a été constaté que ces travailleurs présentaient tous de légers troubles cardiaques associés à une hypertension artérielle. Chez l’animal, l’inhalation de ce composé chimique a conduit à une modification du myocarde. (4)

A-t-il des impacts sur la reproduction ?

En tant que perturbateur endocrinien, l’antimoine agit négativement sur les hormones sexuelles en imitant leurs fonctions dans l’organisme. Une étude menée sur des femmes travaillant dans une industrie de métallurgie a démontré que celles qui ont été les plus exposées aux trioxydes et pentasulfures d’antimoine étaient sujettes aux troubles hormonaux, dont menstruations irrégulières et absence d’ovulation. Des cas de fausses-couches ont été même notés. Chez des rats de laboratoires, l’exposition à ce métal pendant 63 jours à une dose de 209 mg a conduit à une baisse de la fertilité chez les deux tiers des individus testés. (5)

Une exposition fréquente a-t-elle des effets sur l’appareil respiratoire ?

L’exposition chronique à la poussière de trioxyde d’antimoine, d’après d’autres observateurs, augmente aussi le risque de contracter des maladies pulmonaires. Plusieurs cas ont été remarqués chez les travailleurs et les personnes qui fréquentent régulièrement des usines de métallurgie. Une exposition à une dose de 8,87 mg de ce métal par mois, voire plus, a entrainé des maladies respiratoires, telles que tuberculose, bronchite, emphysème chronique, inflammation des voies respiratoires, insuffisance respiratoire et toux fréquents. (6)

Ce métalloïde peut-il provoquer une intoxication par voie orale ?

L'intoxication à l'antimoine par voie orale cause des troubles gastriqes et intestinaux, nausées, vomissements, ...
L’intoxication à l’antimoine par voie orale cause des troubles gastriqes et intestinaux, nausées, vomissements, …

Des cas d’intoxication par voie orale de ce métalloïde ont été déjà signalé par certaines publications scientifiques. D’après leurs rapports, près de 70 personnes ont bu sans le savoir de la limonade contaminée de trioxyde d’antimoine d’environ 0,013 % de son volume. La boisson a été préparée la veille des fêtes et laissée toute une nuit dans des contenants en plastique enduits de ce composé chimique. 56 d’entre elles ont souffert de trouble gastro-intestinal aigu et ont du être transportées d’urgence à l’hôpital. L’intoxication à ce métalloïde a entrainé des brûlures d’estomac, des vomissements, des coliques, des nausées, et des diarrhées. Seulement quelques-unes des victimes ont récupéré trois heures après l’intoxication. Les autres ont mis plusieurs jours pour recouvrer leur santé. (7)

Quels sont les autres méfaits de l’antimoine ?

Les preuves scientifiques démontrant les propriétés cancérigènes de ce métalloïde sont encore insuffisantes à ce jour. Il a été toutefois plusieurs fois remarqué que ce composé pourrait être à l’origine des tumeurs pulmonaires dont souffrent certains travailleurs d’usine. Pour le moment, cela reste une hypothèse puisque ces personnes sont aussi exposées à d’autres métaux lourds. Néanmoins, le Centre International de Recherche sur le Cancer a classifié cette substance chimique dans le Groupe 2B, un produit éventuellement cancérogène pour l’Homme. (3)

À part tous ces effets néfastes sur la santé, il convient aussi de noter que la simple présence de ce métalloïde dans l’air peut avoir des conséquences sur la peau. Des cas de dermatite, de pustules et d’éruptions cutanées ont été remarqués chez des travailleurs spécialisés dans la production d’ouvrages en métallurgie. Les risques sont plus élevés lorsque ce métalloïde est travaillé dans des températures élevées. La fumée et la poussière qui en dégagent sont nocifs pour la peau. (8)

Actions préventives contre l’intoxication à l’antimoine

La dose journalière d'antimoine est limitée à 6 μg/kg/jour
La dose journalière d’antimoine est limitée à 6 μg/kg/jour

Afin de limiter la contamination de l’eau et des aliments par ce composé toxique, l’agence de protection environnementale EPA des États-Unis a défini une valeur à ne pas dépasser concernant les doses d’antimoine visibles dans les eaux potables. Cet organisme exige également que tout déversement de ce métalloïde dans la nature à des quantités surpassant les limites établies devra être signalé aux autorités compétentes locales de chaque région ou pays.

L’OMS, de son côté, a limité la dose journalière admise pour ce composé chimique à 6 μg/kg de poids corporel par jour. L’OSHA ou Occupational Safety and Health Administration a également établi un taux d’exposition à ne pas dépasser pour les travailleurs de métaux lourds, à savoir 0,5 mg par mètre cube d’air pour une journée de travail. (9)

Symptômes de l’empoisonnement et traitements

Les symptômes de l’empoisonnement à l’antimoine varient en fonction du niveau, de la fréquence et de la durée d’exposition à ce métalloïde, son importance, ainsi que le mode de contamination.

– En cas d’ingestion de petite dose, le sujet présente des troubles digestifs, tels que brûlure d’estomac, diarrhées, nausées, et vomissements ; accompagnés de fatigue physique, mal de tête, dépression et sueurs froides.
– En cas d’ingestion de dose plus élevée, les symptômes de l’intoxication sont plus fréquents et violents, pouvant tuer en quelques jours la victime si aucune prise en charge adéquate n’a été prise.
– L’exposition chronique à petite dose peut entrainer chez le sujet des difficultés à respirer, des toux fréquents, des irritations des voies respiratoires, ou bien des démangeaisons cutanées en cas de contact avec la peau.
– L’exposition à forte dose peut être létale.

Le traitement consiste surtout par administrer chez le patient des substances capables de chélater ce métalloïde afin de l’éloigner loin des protéines sanguines et faciliter son élimination. Un lavage gastrique est nécessaire en cas d’empoisonnement par voie orale.

Références

(1) Iyengar GV and al. « Preparation of a mixed human diet material for the determination of nutrient elements, selected toxic elements and organic nutrients: A
preliminary report » Sci. Total Environ. 1987;61:235–252.
(2) Dossier : « Analyse de risque : Antimoine dans les denrées alimentaires et repas de commodité conditionnés en barquettes de PET ». BLV Admin, 23 août 2007.
(3) Dossier : Summaries & Evaluations : Antimony Trioxide and Antimony Trisulfide. International Agency for Research on Cancer. France, 1989.
(4) Brieger H. and al. Empoisonnement industriel à l’antimoine (english).Ind. Med. Surg. 1954; 23:521–523.
(5) Belyaeva AP. « The effect of antimony on reproduction » Gig. Truda. Prof. Zabol. 1967; 11:32.
(6) Potkonjak V, Pavlovich M. « Antimoniosis: A particular form of pneumoconiosis. I. Etiology, clinical and x-ray Findings. Int. Arch. Occup. Environ. Health. 1983; 51:199–207.
(7) Dunn JT. A curious case of antimony poisoning. Analyst. 1928;531:532–533.
(8) White GP and al. « Dermatitis in workers exposed to antimony in a melting process » J. Occup. Med. 1993; 35:392–395.
(9) Toxicological Profile for Antimony. US Agency for Toxic Substances and Disease Registry; Atlanta, GA, USA 2010.