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Phtalates

Perturbateurs endocriniens fortement répandus, les Phtalates peuvent être retrouvés dans les matières en plastique que nous utilisons tous les jours. Quels sont les risques liés à l’utilisation de ces matières ? Comment se manifestent les intoxications ? Quelles mesures de prévention prendre ? Découvrez ce que disent les scientifiques à propos des effets des phtalates sur l’organisme. Cet article informatif ne remplace pas l’avis des spécialistes en la matière.

PhtalatesRevêtant d’un caractère plastifiant, les phtalates – ou phthalates en anglais – sont des matières premières fortement utilisées dans la fabrication de plastiques, dont le fameux PVC. Ces matériaux, jugés comme étant des perturbateurs endocriniens, composent d’innombrables produits que nous utilisons au quotidien. On les retrouve entre autres dans les contenants en plastique, les soins cosmétiques, les peintures, et même les textiles. La production à l’échelle internationale avoisine depuis peu les 3 millions de tonnes tous les ans. Autrement dit, nous en sommes particulièrement exposés. Découvrez à travers ce billet tous les risques liés à l’utilisation de ces composés chimiques au quotidien.

Présentation des phtalates

Propriétés physico-chimiques

Les phtalates sont des sels ou bien des esters de l’acide phtalique. Ces composés chimiques se présentent sous un aspect liquide visqueux incolores et inodores, appréciés dans l’univers industriel pour son caractère plastifiant. Ils permettent d’offrir aux plastiques plus de flexibilité, résistance, transparence et surtout plus de longevité. Ses premières utilisations remontent vers les années 1920, une période qui marquera également l’essor du polychlorure de vinyle ou PVC.

Ces dérivés de l’acide phtalique se déclinent en d’innombrables variétés, qui possèdent leurs propres caractéristiques physiques et chimiques. Parmi les plus fréquemment rencontrés, l’on cite par exemple le di-isononyle ou DINP, le di-isodécyle ou DIDP, le benzylbutyle ou BBP, le di-2-éthylhexyle ou DEHP, le phtalate de dibutyle ou DBP, ou encore le diméthyle ou DMP. Leurs structures chimiques, comme leurs poids moléculaires, se diffèrent les uns des autres, mais en général elles comprennent un noyau benzénique et des groupements carboxylates, avec une chaîne alkyle dont la longueur est variable. Ce sont notamment les phtalates à faible poids moléculaire renfermant moins de 6 atomes de carbone dans leur structure, qui sont dangereux pour la santé humaine et ont du être retirés du marché. (1)

Exposition aux phtalates

Des phtalates peuvent être retrouvés dans les bouteilles d'eau, jouets, cosmétiques, et les contenants en plastique
Des phtalates peuvent être retrouvés dans les bouteilles d’eau, jouets, cosmétiques, et les contenants en plastique

Une grande part de la population mondiale est exposée à une concentration non négligeable de phtalates, vu l’utilisation de ces composés chimiques à outrance. Une revue scientifique a, par exemple, parlé d’un contrôle réalisé sur un échantillon d’individus sains aux États-Unis, dont les résultats ont été vraiment surprenants. Des métabolites de plusieurs types de phtalate ont été détectés dans leurs urines. (2)

L’intoxication aux phtalates peut se faire par voie orale, aérienne ou cutanée. Des études ont montré que les plus grands facteurs qui nous exposent à ces composés chimiques sont les aliments à forte teneur en graisses, tels que les viandes, le lait et le beurre. Viennent ensuite, les eaux minérales qui sont mises en bouteille dans des PET. Une expérience menée entre 2003 et 2010 sur un échantillon de 9 000 personnes a mis en évidence que les sujets qui ont l’habitude de manger gras auprès des fast-food, ont présenté une concentration élevée en phtalates dans leurs urines, en moyenne entre 24 et 39 % contre 15 % pour ceux qui n’y vont pas. (3)

Ces composés chimiques particulièrement légers et volatiles s’évaporent facilement et sont susceptibles de contaminer l’air. Les observateurs ont remarqué pourtant qu’ils peuvent pénétrer à travers les pores et par les voies respiratoires. Les analyses ont révélé que leurs taux de concentration sont plus élevés dans les zones urbaines et suburbaines, que dans les contrées plus éloignées. (4)

Études toxicologiques des phtalates

Ces composés perturbent-ils la fonction testiculaire ?

Figurant dans la liste des perturbateurs endocriniens, les phtalates sont capables d’imiter et de bloquer les fonctions de certaines hormones naturellement sécrétées par l’organisme. Chez la gent masculine, il a été découvert que ces composés chimiques peuvent interférer avec les fonctions des testicules, en réduisant la synthèse de testostérone et mimant les actions de l’hormone peptidique testiculaire des cellules de Leydig, l’insulin-like 3 ou INSL3.

Au cours de cette étude clinique réalisée en Taiwan, les chercheurs ont essayé de voir les relations entre des niveaux de concentration de phtalates élevés et les problèmes d’infertilité masculine. Jusque-là la plupart des essais cliniques ont été menés, en effet, sur des animaux. L’échantillon à tester comprenait des hommes infertiles et fertiles de différents âges. La méthode adoptée consistait à évaluer les concentrations urinaires de phtalates ainsi que les taux sériques de FSH, LH, testostérone total, inhibin B, et œstradiol. Il a été remarqué que les niveaux de métabolites phtaliques sont fortement élevés chez les hommes infertiles.

Les observateurs ont conclu que l’exposition professionnelle et non-professionnelle aux phtalates, y compris au di-2-éthylhexyle ou DEHP qui est considéré comme moins toxique, ont des impacts négatifs sur les hormones sexuelles mâles et la fonction normale des testicules, et donc sur la spermatogénèse. (5)

Ont-ils des effets sur la reproduction féminine ?

L'exposition aux phtalates est l'une des causes des perturbations de la reproduction féminine
L’exposition aux phtalates est l’une des causes des perturbations de la reproduction féminine

Les effets des phtalates sur la reproduction masculine sont mieux compris que ceux sur la reproduction féminine. Or, ce sont les femmes qui sont les plus exposées à ces substances toxiques, selon certains observateurs. La raison en est simple ; les soins cosmétiques et les produits d’hygiène qu’elles utilisent au quotidien en sont gorgés et ce, à des quantités impressionnantes.

Cette publication scientifique a mis en exergue que la principale cible de ces dérivés d’acide phtalique chez la gent féminine est l’ovaire. Elle résume les différents effets de ces perturbateurs endocriniens sur la santé reproductive et non reproductive des femmes, ainsi que leurs mécanismes d’action sur la folliculogenèse et la stéroïdogenèse. Parmi ces effets toxiques, cette revue a cité entre autres la capacité de ces produits à perturber la fonction ovarienne, entrainant ainsi des anomalies telles qu’anovulation, insuffisance ovarienne, irrégularité des menstruations, cessation précoce des règles (ménopause prématurée), etc. (6)

Peuvent-ils occasionner une malformation des fœtus ?

Des scientifiques ont aussi souligné les effets néfastes d’une exposition prolongée aux phtalates, en particulier au DBP, chez les femelles en gestation. Dans cette étude à titre d’exemple, des doses variées de ces composés chimiques ont été ingérés chez des souris de laboratoires en période de gestation. Le développement des fœtus au cours de l’expérience a été suivi de près.

Il a été donc remarqué un ralentissement au niveau du développement de l’appareil reproducteur des fœtus de sexe mâle. À des doses plus élevées, les observateurs ont noté des altérations importantes des organes sexuels, voire des malformations. La taille de leurs testicules à la naissance est relativement plus petite que la normale. Aucune incidence particulière n’a été constatée chez les femelles. Les phtalates ont des propriétés tératogènes et doivent être tenus à l’écart des femmes enceintes. (7)

Quels sont les autres méfaits des phtalates ?

Selon d’autres sources scientifiques, les expositions chroniques aux phtalates peuvent avoir un lien avec l’épidémie d’obésité de notre génération. Au cours d’un contrôle réalisé sur des hommes adultes souffrant de surpoids et d’obésité aux États-Unis, il a été en effet remarqué une certaine corrélation entre les niveaux élevés de métabolites phtalatiques dans les urines et les troubles métaboliques. Les auteurs de ces dites études ont classé ces composés chimiques dans la liste des perturbateurs métaboliques. (8)

Rajoutés aux régimes alimentaires des rats de laboratoires, des phtalates de quantités considérables ont endommagé les organes de ces animaux, en particulier leurs foies. Certains d’entre eux ont même développé un cancer du foie (9). Les études sur l’être humain à ce sujet manquent encore. Toutefois, ces agents chimiques sont répertoriés comme cancérigène possible par l’OMS, la CE et le CIRC.

Actions préventives contre l’intoxication aux phtalates

Afin de limiter les intoxications aux phtalates les autorités ont émis certaines restrictions quant à l’utilisation de ces produits. Au sein de l’Union Européenne, par exemple, des règlements interdisant l’usage de ces plastifiants dans la fabrication de jouets pour enfants ont été mis en vigueur depuis 1999. Certains phtalates à poids moléculaires plus élevés sont quand même admis, mais leur teneur ne doit pas dépasser plus de 0,1 % par rapport à la masse totale de la plastique utilisée. L’intoxication à ces produits chez les enfants de bas âges est en fait très dangereuse.

Symptômes de l’intoxication et traitements

L’intoxication aux phtalates se fait toujours progressivement, par voie orale, cutanée ou aérienne comme il a été dit. L’utilisation des produits et équipements à base de ces plastifiants et ou la consommation d’aliments et de boissons contaminés augmentent les risques. Sous l’effet de la chaleur, ces composés chimiques peuvent migrer facilement dans ces aliments, depuis les emballages ou conditionnements en plastique qui les contiennent.

Les symptômes de l’intoxication se traduisent par un dysfonctionnement de la fonction endocrine, pouvant aboutir à ces différents problèmes de santé précédemment mentionnés.

Jusqu’à ce jour, la prévention constitue la seule manière d’éviter l’empoisonnement à ces perturbateurs endocriniens. Des analyses permettent de détecter leur présence dans les urines.

Références

(1) L 44,18.2.2011 Regulation (EU) No 143/2011 of 17 February 2011 amending Annex XIV to Regulation (EC) No 1907/2006 of the European Parliament and of the Council on the Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals (REACH).
(2) Phtalates Fact Sheet, report. Center for Disease Control and Prevention. Nov 2009.
(3) Zota Ami R and al. « Recent fast food consumption and Bisphenol A and Phthalates exposures among the US population in NHANES 2003-2010 ». Environnement Health Perspectives 124(10):1521-1528.
(4) Rudel R and al. « Endocrine disrupting chemicals in indoor and outdoor air ». Atmospheric Environment, 43(1):170-81.
(5) Chang WH and al. « Phtalates might interfere with testicular function by reducing testosterone and insulin-like factor 3 levels » Hum Reprod 2015 Nov;30(11):2658-70.
(6) Patrick R Hannon et Jodi A Flaws. « The effect of phthalates on the Ovary ». Front Endocrinol (Lausanne), 2015;6:8.
(7) Ema M. « Antiandrogenic effects of dibutyl phtalate and its metabolite, monobutyl phtalate in rats ». Congenit Anom, Kyoto 2002 Dec;42(4):297-308.
(8) Desvergne B and al. « PPAR-mediated activity of phthalates: A link to the obesity epidemix? ». Mol Cell Endocrinol.304(1-2):43-8.
(9) Third National Report on Human Exposure to Environmental Chemicals, US CDC, July 2005.