Qu’est ce que le butyrate ? Quels rôles joue t-il au sein de l’organisme ? Possède t-il des propriétés médicinales ? Quelle est sa relation avec le microbiote et comment augmenter son taux ? Ce dossier présente tout ce qu’il faut savoir sur ce composé et ses propriétés médicinales avancées par la science. Avant d’aller plus loin, notons que ceci est juste un simple article informatif qui ne peut en aucun cas remplacer l’avis d’un professionnel de santé.
Le butyrate se trouve dans la liste des composés les plus étudiés des scientifiques actuellement. Il attire particulièrement les chercheurs pour ses effets bénéfiques sur l’homéostasie intestinale et le métabolisme énergétique. Selon certaines publications, il semblerait qu’il joue également un rôle important dans l’obésité et possède diverses propriétés médicinales. Mais de quoi il s’agit réellement ? Cet article dévoile les propriétés chimiques et médicinales de cette substance, peu encore connue du public.
Sommaire
Présentation du butyrate
Structure physique et chimique
Le butyrate est en réalité un acide gras à chaine courte, comprenant dans sa structure quatre atomes de carbone. C’est un sel de l’acide butanoïque, ou butyrique, qui est un acide carboxylique saturé notamment visible dans les huiles végétales, les fromages, les graisses animales et l’estomac. Contrairement à ce dernier, il est plus stable.
Ce composé est également connu sous le nom de butanoate. Sa formule chimique est C4 H7 O2- et sa masse molaire 87,098 g/mol.
Les esters de l’acide butanoïque, à l’instar du butyrate, dégagent une odeur désagréable, rappelant celle d’un fromage mûr.
Quels sont ses rôles biologiques ?
Le butyrate assure d’importantes fonctions biologiques, puisque celui-ci est produit par la flore intestinale à partir des fibres végétales. En effet, les bonnes bactéries qui colonisent le tube digestif, en particulier le côlon, se nourissent des prébiotiques que nous consommons pour pouvoir se reproduire. Les prébiotiques ne sont autres que ces fibres apportées par notre alimentation, notamment les céréales, les fruits et les légumes. Ce sont des sucres liés non assimilables, mais qui sont cependant essentiels au microbiote intestinal.
En fait, les acides gras à courte chaine produits par ces bactéries sont une source d’énergie pour les cellules intestinales. Ils leur permettent de se multiplier et de fonctionner normalement. À défaut de ces composés, ces cellules subissent une autophagie et finissent par entrer en apoptose, et meurent. Des publications ont même avancé le rôle de cet acide gras dans la protection du côlon contre le cancer. (1)
Cet acide gras sert aussi de carburant pour les colonocytes, ou les cellules qui forment la paroi du côlon. C’est un rôle très important car l’imperméabilité de cette paroi en dépend. En effet, cette barrière empêche l’intoxication de l’organisme, en bloquant les endotoxines, les polluants et les mauvaises bactéries d’atteindre la circulation sanguine.
Butyrates synthétiques
Outre le butyrate produit naturellement par la flore intestinale, nous pouvons aussi voir circuler sur le marché différents esters de ce composé organique. Ces derniers sont issus d’un procédé de synthèse faisant intervenir d’autres produits chimiques. Parmi les plus connus, il y a :
– Butanoate de méthyle
: Cet ester est issu du mélange d’acide butanoïque et de méthanol. Ses domaines d’utilisation sont la parfumerie et l’agroalimentaire, du fait de son agréable odeur proche de celle de la pomme.
– Butanoate d’éthyle
: Cet ester est obtenu à partir de l’acide butanoïque et l’éthanol. Celui-ci sert d’arôme pour les produits alimentaires, tels que les jus et les boissons alcoolisées.
– Butanoate de butyle
: Ce composé est un ester de l’acide butyrique et de butanol. On l’isole à partir de certains fruits et du miel. Il entre également dans les diverses compositions d’arômes.
– Butanoate de pentyle
: Formé à partir de l’acide butyrique et du pentanol, cet ester s’utilise comme fragrance dans l’univers de la parfumerie.
Le marché des compléments alimentaires propose de son côté des sels de butanoate :
– Butanoate de sodium
: Ce sel de sodium de l’acide butyrique est surtout utilisé en psychiatrie et neurologie grâce à son effet inhibiteur d’histone désacétylase. Ce composé permet, en effet, de stabiliser l’humeur et de calmer les crises d’épilepsie. À titre d’information, l’histone désacétylase est une enzyme qui catalyse le groupe acétyl au niveau d’une histone, ou la protéine qui forme un nucléosome avec l’ADN. Le butanoate de sodium est aussi employé en laboratoires pour ses pouvoirs d’inhiber la prolifération des cellules et de réprimer l’expression des gènes. (2)
– Butanoate de calcium et ou de magnésium
: Cette forme de butanoate est mélangé à une molécule de calcium et ou de magnésium, afin de le rendre stable, neutre et assimilable. Ce sel de butanoate est prescrit pour améliorer la fonction digestive.
Quelles sont les propriétés médicinales du butyrate ?
Ce composé a-t-il des effets bénéfiques sur la microflore intestinale ?
Diverses publications ont rapporté les bienfaits des acides gras à faibles atomes de carbone (2 à 5) sur la santé des intestins. Parmi ceux-ci, il y a l’acétate (C2 ou deux carbones), le propionate (C3), le butyrate (C4), et le valérate (C5). Produits par la microflore intestinale, ces composés assurent non seulement la protection des cellules, mais permettent également de lutter contre l’invasion des mauvaises bactéries.
Les lignes ci-après dévoilent les effets du butyrate sur cet organe digestif, selon les scientifiques.
Agit-il sur le transport ionique transépithélial ?
Les colonocytes absorbent les acides gras à courte chaine. Leur présence, en particulier celle du butyrate, a un effet sur l’échange d’ions au niveau de l’épithélium de l’intestin, selon les scientifiques. L’épithélium intestinal, rappelons-le, est l’ensemble de cellules chargées de l’absorption des nutriments. Donc, les observateurs ont remarqué que cet acide gras stimule d’un côté l’absorption de NaCl (chlorure de sodium) et empêche d’un autre la sécrétion de Cl (chlore) induite par la prostaglandine E2. (3) Or, la chlore est une des causes de la diarrhée.
Cette autre publication a mis en évidence les effets bénéfiques de ce composé chez des patients souffrant de diarrhée chlorée congénitale. Cette forme de diarrhée rare est due à un dysfonctionnement au niveau du transport d’ions Na+, Cl- et K+ dans les intestins, entrainant une sécrétion abondante de Cl-. Chez un patient de 11 ans atteint de cette maladie, des doses croissante de 50 à 100 mg par jour de butyrate a eu des effets positifs.
Conclusion, ce composé a pu améliorer l’absorption des ions et la consistance des selles par la même occasion (4). Il faut plus d’études cliniques toutefois avant de confirmer ces propriétés. En effet, non seulement il n’existe que très peu de publications scientifiques qui ont parlé de ces effets, mais en plus les expériences ont été menées sur un groupe très restreint de patients.
Possède-t-il une propriété anticancéreuse ?
Certains scientifiques ont prouvé l’action du butanoate contre le cancer colorectal. Cet effet anticancéreux a été observé lors des expériences menées sur des lignées cellulaires de carcinome in vitro. L’ajout de ce composé a permis d’inhiber la prolifération des cellules, d’une part. Il a favorisé leur apoptose, d’autre part.
On a aussi observé que le butanoate a bloqué l’activité des enzymes histones désacétylases. En fait, pour assurer la régulation de l’expression génétique, il faut que la cellule contrôle l’enroulement et le déroulement de l’ADN sur des histones, à la manière d’un fil autour d’une bobine. Ce processus fait intervenir des histones acétyltransférases et désacétylases. Les premiers acétylent les résidus de lisyne dans les histones. Les seconds, par contre, éliminent les groupes acétyles.
L’inhibition des histones désacétylases grâce à l’ajout de butanoate a conduit à une hyperacétylation des histones. Ce qui a entrainé une dérégulation au niveau de la transcription des gènes impliqués dans le contrôle de la différenciation des cellules cancéreuses. Ces dernières finissent donc par entrer en apoptose, et puis meurent. (5)
Comme la majorité des expériences ont été effectuées in vitro sur des échantillons de cellules en culture, il est encore tôt pour conclure sur quoi que ce soit. Il faut d’autres essais cliniques de plus grande envergure sur l’homme pour confirmer cette propriété anticancéreuse.
Est-il capable d’agir contre l’inflammation et le stress oxydatif ?
Diverses études ont montré que le métabolisme du butyrate est altéré dans les muqueuses intestinales enflammées. Tel est le cas chez les sujets souffrant de maladie de Crohn. Ce qui entraine donc une carence de cet acide gras au niveau des intestins. Or, il est connu que l’inflammation des tissus est due à un stress oxydatif. Des scientifiques ont alors essayé de découvrir l’action de cet acide gras en cas d’inflammation de l’intestin et de stress oxydant.
Dans cette expérience randomisée à double insu, 16 volontaires en bonne santé ont reçu par voie rectale soit un lavement de 60 ml, contenant 100 mM de butyrate de sodium, soit une solution saline. Le traitement a duré 2 semaines. Les observateurs ont souvent réalisé des analyses de sang et biopsies d’échantillons de muqueuse extraits du côlon sigmoïde.
Les résultats de ces examens ont révélé des concentrations plus élevées de glutathion et d’acide urique chez le groupe soumis au butanoate. (6) Le glutathion, à titre de rappel, est un antioxydant naturel essentiel dans le maintien du potentiel redox des cellules. Autrement dit, cet acide gras a pu protéger les muqueuses intestinales des effets néfastes du stress oxydatif, en activant les antioxydants naturels.
Une autre publication a aussi avancé la propriété anti-inflammatoire de ce composé sur un échantillon de cellules du côlon humaines. Le butyrate a inhibé l’expression du NF-κB. Il s’agit d’une protéine de la classe des facteurs de transcription qui s’active en cas de stress cellulaire. Celui-ci est à l’origine de l’inflammation (7). Les résultats de ces études sont particulièrement encourageants, mais il nous faut quand même d’autres preuves scientifiques avant de confirmer cette action anti-inflammatoire. La plupart des essais cliniques ont présenté des failles, telles que nombre d’individus mis en observation très limité.
Quels sont les autres bienfaits du butyrate ?
A-t-il un effet hypocholestérolémiant ?
Un certain nombre de revues scientifiques ont aussi souligné la capacité des acides gras à chaine courte à réguler le métabolisme des lipides dans l’intestin. Afin de vérifier cette propriété, des chercheurs se sont mis à incuber des entérocytes humains dans de l’acétate, du propionate et du butyrate. Ce sont un des 4 types de cellules présents dans l’épithélium intestinal.
Ces acides gras ont eu un impact sur une grande variété de gènes, d’après les observateurs. Le propionate et le butanoate ont agi sur la voie de biosynthèse du cholestérol, en régulant négativement 9 gènes qui y sont impliqués. Dans des termes plus clairs, ce composé a limité la synthèse de cholestérol (8). Il convient de noter que la plupart de ces expériences ont été réalisées sur des cellules en culture. Il est donc crucial que d’autres études soient menées sur des humains avant que cette propriété puisse être confirmée.
Présente-t-il une efficacité contre l’obésité et le diabète ?
Au cours de cette expérience, des souris obèses souffrant de diabète de type 2 ont reçu pendant 5 semaines du butanoate de sodium. La dose administrée a été de 5 % par rapport à la quantité totale de leur apport journalier en nourriture. Pour voir l’effet de cet acide gras, les chercheurs ont observé la fonction mitochondriale au niveau des adipocytes bruns.
Les résultats des analyses ont donc montré une amélioration de la fonction des mitochondries. La thermogenèse et l’oxydation des acides gras ont été, par ailleurs, boostées. Tout cela a conduit à une perte de poids, d’environ 10 %. Les auteurs de cette étude ont aussi noté une augmentation de la sensibilité à l’insuline. Ce qui signifie que cet acide gras pourrait prévenir le diabète, induit par un régime alimentaire non hygiénique. (9)
Plus d’essais cliniques sur des humains sont essentiels pour confirmer l’efficacité de cette molécule. Les expériences menées sur ces modèles animaux ne suffisent pas, bien que les résultats soient encourageants.
Serait-il capable de stimuler la neurogenèse après une ischémie ?
L’ischémie est une forme d’accident vasculaire cérébral qui fait des milliers de victimes tous les ans. C’est une cause majeur d’invalidité et de mortalité chez les sujets âgés de plus de 50 ans dans les pays développés. Les expériences récentes menées sur le butyrate concernant son effet stimulateur de neurogenèse sont très prometteuses.
En effet, grâce aux nombreuses recherches scientifiques, il est devenu aujourd’hui possible d’agir sur les mécanismes de mort neuronale après une ischémie. La méthode consiste à protéger le cerveau et les neurones, et à stimuler la neurogenèse. Lors d’un tel traumatisme, une neurogenèse réparatrice a lieu, en fait, dans le cerveau. Cette formation de neurones se fait via l’activation des cellules souches.
Au cours d’un essai clinique effectué sur des rongeurs souffrant d’une ischémie cérébrale, l’utilisation de butanoate de sodium a permis de stimuler la neurogenèse. Ce composé a favorisé la différenciation et la prolifération des cellules nerveuses que ce soit dans les parties lésées ou saines du cerveau. Il a été aussi remarqué une augmentation des protéines d’adhésion cellulaire qui sont essentielles au développement du système nerveux central, et des protéines acides fibrillaires gliales qui assurent le maintien de l’effort cellulaire (10).
Il n’est pas encore possible de confirmer l’efficacité de ce traitement, bien que les résultats de ces expériences soient encourageants. Le manque d’études sur l’homme ne nous permet pas d’émettre une conclusion.
Bien choisir son butyrate en gélules
Comme il a été dit précédemment, le butyrate est commercialisé sous différentes formes sur le marché.
– D’abord, on trouve la forme courante, l’acide butyrique, qui est cependant moins stable que le butyrate.
– Ce composé peut être également associée à une molécule chargée positivement, comme le calcium, le magnésium ou le sodium. Le butyrate de calcium/magnésium ou de sodium est plus stable. Mais attention, la quantité de ces minéraux constitue déjà près d’un tiers de votre apport journalier recommandé.
– Enfin, il y a la tributyrine qui est extrait du beurre. Celui-ci a l’avantage d’être plus facile à absorber par l’organisme.
Butyrate : Posologie et précautions d’emploi
Aucune publication scientifique n’a parlé de la dose limite de butyrate à prendre comme complément alimentaire. Mais en moyenne, il faut dans les 300 à 600 mg par jour pour améliorer la fonction digestive et bénéficier de tous ses autres bienfaits. Demandez conseil auprès de votre médecin pour connaitre le dosage adapté à votre organisme.
Ce produit est déconseillé aux femmes en gestation, celles qui allaitent et ceux souffrant d’insuffisance rénale. Si vous avez des problèmes d’allergie, ou êtes encore sous traitement médicamenteux ; il vaut mieux prendre l’avis d’un professionnel de santé.
L’usage de cet acide gras chez l’Homme n’a eu aucun effet secondaire. Par contre, les scientifiques ont noté une altération des cellules intestinales et un gonflement des reins chez des rongeurs ayant reçu des doses très élevées de ce composé. Les posologies utilisées étaient l’équivalent de 7-8 g par jour environ chez l’Homme. Autrement dit, 25 fois plus élevés que la dose de 300 mg suggérée. Pour prévenir toutefois tout risque de surdosage, il faut suivre uniquement les prescriptions d’un professionnel de santé. Par ailleurs, le recours à un complément alimentaire doit s’effectuer sous la supervision de son médecin traitant.
Références
(1) Lupton Joanne R. «Les produits de dégradation microbienne influent sur le risque de cancer du colon: la controverse du butyrate». Vol. 134, n ° 2, 2004, J Nutr, pp.479-482.
(2) Kruh Jacques. «Effets du butyrate de sodium, un nouvel agent pharmacologique sur les cellules en culture». 1981, Biochimie moléculaire et cellulaire. 42 (2): 65-82.
(3) Binder HJ. «Rôle du transport d’acide gras à chaîne courte colique dans la diarrhée». Annu Rev Physiol, 2010; 72: 297-313.
(4) Canani RB et al. «Le butyrate en tant que traitement efficace de la diarrhée congénitale causée par le chlorure». Gastroenterology, août 2004; 127 (2): 630-4.
(5) Kouraklis G et al. «Les inhibiteurs d’histone désacétylase: une nouvelle cible du traitement anticancéreux (revue)». Oncol Rep, 2006; 15: 489-494.
(6) Hamer HM. «Le butyrate module le stress oxydatif dans la muqueuse colique d’êtres humains en bonne santé». Clin Nutr, 2009 Feb, 28 (1): 88-93.
(7) Inan MS et al. «Le butyrate luminal d’acide gras à chaîne courte module l’activité de NF-kappaB dans une lignée de cellules épithéliales du côlon humain». Gastroenterology, 2000 avril; 118 (4): 724-34.
(8) Alvaro A et al. «L’analyse de l’expression génique d’une lignée cellulaire d’entérocytes humains révèle une régulation négative de la biosynthèse du cholestérol en réponse à des acides gras à chaîne courte». IUBMB Life, 2008 novembre; 60 (11): 757-64.
(9) Gao Z et al. «Le butyrate améliore la sensibilité à l’insuline et augmente la dépense énergétique chez la souris». Diabetes 2009 Jul; 58 (7): 1509-17.
(10) Kim HJ et al. «L’inhibiteur de HDAC, le butyrate de sodium, stimule la neurogenèse dans le cerveau ischémique». J Neurochem, août 2009; 110 (4): 1226-40.